Il y a une quinzaine de jours, j’assistais à une passionnante journée de débats et rencontres organisée par l’AFIPP (association française des professionnels de l’image et la posture professionnelle) sur le thème “Les enjeux de l’image en entreprise aujourd’hui et demain”.
Il faut savoir qu’une partie du métier de consultant en image s’exerce en entreprise, un enjeu plus que jamais d’actualité dans une société qui cherche à développer à la fois son bien-être et sa productivité. Pourtant, l’image d’une entreprise est loin de se résumer au look de ses employés et dirigeants, et cristallise une question fondamentale :
comment être soi
dans un monde de normes
et de conventions ?
La journée était animée par des débats et témoignages de consultants en image, de responsables de centres de formation mais également des professionnels annexes venus enrichir la réflexion sur un métier faisant face à une demande grandissante de sens et de cohérence.
3 interventions m’ont particulièrement marquées parce qu’elles appuient la vision avec laquelle j’ai créé Le luxe d’être soi et ouvrent des pistes de réflexion très enrichissantes humainement et professionnellement. Je les partage avec vous aujourd’hui.
1.
Si tu ne rentres pas en profondeur,
tu n’iras pas loin en extérieur
Intervention de David Lefrançois,
expert en neurosciences,
coach et formateur en stratégie d’entreprise
David Lefrançois, psychologue et psychosociologue de formation, a mis sa passion pour le cerveau humain au service du développement des entreprises. Personnalité fascinante qui explique avec beaucoup de finesse le rôle du système nerveux dans l’image que l’on a de soi.
Et plus particulièrement dans le processus de relooking (transformation extérieure immédiate mais sans accompagnement au changement) : quand on change le paraître d’une personne sans travailler sur son être, le cerveau perçoit un décalage entre le moi idéal et le moi réel, ce qui entraîne souffrance et frustration.
Le travail sur l’image de soi n’est pas donc du relooking puisqu’il inclut un accompagnement qui permet un changement durable et respecteux de l’individu. Malgré les émissions télé qui galvaudent ce métier, le conseil en image ne peut se dissocier d’un travail de fond préalable à un changement de forme.
Et pour David Lefrançois, les enjeux vont même plus loin et je le rejoins totalement dans cette vision. L’image de soi, avant de parler vêtements, couleurs et coiffure, doit être bâtie sur 3 piliers essentiels :
• la confiance en soi
• l’amour de soi
• l’estime de soi
Avec pour toile de fond
un véritable travail
sur les valeurs
et l’engagement
pour qu’intérieur et extérieur soient harmonieusement alignés.
Allons plus loin…
Etre soi en entreprise, du côté employé, c’est finalement acquérir suffisamment de confiance et d’estime de soi pour identifier ses valeurs et ses convictions et savoir les mettre au service d’un engagement collectif. Du côté employeur, c’est aussi penser la gestion humaine comme facteur clé de réussite.
2.
Diversité, j’écris ton nom
Intervention de Jean-François Amadieu,
Président de l’observatoire des discriminations
Pourquoi les médias ne nous présentent-ils la diversité que sous l’aspect de la parité et de la couleur de peau ? TF1 met un black au journal de 20h, les entreprises du CAC 40 mettent quelques femmes dans leur conseil d’administration et hop, s’achètent ainsi une conscience éthique. Pourtant, quid des personnes à forte corpulence, handicapées, seniors, enceintes, tous ces “atypiques” qu’on ne sait où caser ?
Aujourd’hui ces “différences” physiques ont un impact fort dans l’emploi et la carrière. Qui n’a pas connu un collègue mis au placard pour physique disgrâcieux ou date de départ à la retraite imminente ? Alors certes des quotas ont été instaurés. Mais quid de ces personnes en tant qu’individus ?
Je suis récemment tombée sur cette phrase d’Isaac Newton qui je trouve illustre tout à fait le contexte :
“Les hommes construisent
trop de murs
et pas assez de ponts”
Et si, justement, on créait des ponts pour partager les richesses de chacun ?
Allons plus loin…
Etre soi en entreprise, c’est par exemple valoriser le savoir des seniors en pré-retraite en les impliquant dans la formation et la transmission de connaissances auprès des jeunes recrues, pour préparer leur transition en douceur tout en les impliquant jusqu’au bout.
C’est recruter du personnel d’accueil sur des critères de dynamisme et de convivialité, plutôt que sur une taille de vêtement et une couleur de cheveux.
Bien d’autres pistes sont à explorer. Mais le principe de diversité est valable à partir du moment où, finalement, derrière les apparences, chaque personne est unique et a quelque chose à apporter.
© Photos Jean-Baptiste Mondino
3.
“A trop lisser les gens,
ils ne racontent plus d’histoires”
Table ronde animée par Brigitte Dyan,
ancienne directrice de la rédaction de Courrier Cadres
Délicieux débat avec l’intervention de 2 journalistes des magazines Stratégie et Management et de l’auteur d’un documentaire intitulé “Les hommes et leur apparence en entreprise”. Question soulevée : comment les médias perçoivent-ils les professionnels de l’image ? Comme des professionnels de la dissimulation !
Pour avoir couvert des reportages sur le thème de l’image en entreprise, les 4 journalistes ont unanimement conclu que l’intérêt de ce métier était de corriger et gommer les imperfections pour mieux rentrer dans un moule. Protestations houleuses dans la salle : pour les professionnels présents, ce métier est justement basé sur la valorisation de l’individu, la volonté de ne pas uniformiser mais de révéler une personne à elle-même.
Selon les journalistes, ce décalage de perception vient du fait que pour eux, une personne est d’abord le fruit d’un cheminement avec des creux et des reliefs, mais que l’entreprise n’en attend que des reliefs et se prive ainsi d’une partie de la richesse humaine.
Allons plus loin…
Finalement, être soi en entreprise, c’est surtout réussir à concilier 2 paradoxes : respecter des codes et des limites tout en sachant respecter ses propres limites. Comment ? En sachant reconnaître si ce que l’on fait est en accord avec ce que l’on est.
Etre soi en entreprise, un luxe ?
Non, une nécessité…
J’ai lu dernièrement que selon un sondage Ipsos, 1 salarié sur 2 estime que ses conditions de travail se sont dégradées au cours des six derniers mois. D’un côté, les entreprises veulent la performance et la rentabilité à tout prix pour faire face à un contexte économique difficile. De l’autre, les employés désinvestissent leur travail et développent leurs aspirations personnelles en annexe.
Et si on construisait un pont entre ces 2 visions ? Je terminerais sur cette phrase de Jean-Louis Brault :
“Les entreprises qui réussissent sont celles qui ont une âme”.
L’activité à laquelle nous consacrons le plus de temps dans nos vies mérite bien qu’on lui donne un sens : une direction, mais aussi une signification.
13 réponses
merciiiiiiiii !
Il y a encore tellement de choses à faire pour que notre métier soit reconnu à sa juste valeur..et pas uniquement comme un cache misère éphémère, futile et dénué d’intérêt..
Ce challenge me tient à coeur et je suis ravie de pouvoir transmettre à chaque fois que l’occasion m’en est donnée, l’enjeu qui découle de ce formidable moyen d’action qu’est le conseil en image.
Et quel bonheur d’en échanger tout le sens avec toi ma chère Céline !
Merci Fanny, plus nous serons nombreux/ses à partager cet écho et plus notre action aura du poids !
Les managers qui snobent les “petits jeunes” oublient qu’ils ont débuté.
Les jeunes loups qui méprisent les “vieux” oublient qu’ils ont eu des professeurs et des mentors.
Les recruteurs qui ne choisissent que les prétendants venus de voies “royales” seront malheureux le jour où ils vivront une galère.
Ceux qui prêtent attention à la mixité de leurs équipes (nationalités ou origines, âges, sexes, parcours…) eux, savent déjà qu’ils ont fait les bons choix.
Comme disait l’autre, j’ai un rêve, (à partir de maintenant, c’est moi qui le dit, ça n’engage donc que moi bien sûr) où ceux qui ont fait le choix de l’ouverture d’esprit montreront la voie à ceux qui hésitent encore.
Où les équipes elles-mêmes seront fières d’arborer leurs “couleurs” et de revendiquer leur appartenance à un groupe… rentable évidemment (évidemment, parce qu’une entreprise citoyenne qui coule n’aide personne).
Où ceux qui veulent changer de point de vue n’hésiteront plus à aller voir ailleurs ce qui se fait de bon.
Et où, finalement, nous passerons tous pour des vieux ringards qui parlent encore de questions qui ne se posent plus !
Alors quand on parle de ponts et de murs, je me sens des envies de passerelles un peu partout, de ponts de singes, de cordes et de mains tendues.
Ça rejoint d’ailleurs assez la discussion initiée sur Facebook dans la page “Le luxe d’être soi” à propos des parcours atypiques.
Hum, on peut dire que votre article m’aura inspiré ^^ merci beaucoup ! Ça fait un bien fou 🙂
Effectivement Yves je vous sens grandement inspiré par le sujet 😉 Merci pour ce témoignage de coeur et aussi de clamer qu’une voie alternative est possible. Tout le monde cherche à longueur de journée des recettes miracles pour changer, aller mieux, aller plus loin, plus vite, plus fort, alors que tout est à portée de main, il suffit juste que chacun bouge un peu les choses à son échelle…
Je reprendrais une citation d’une grande philosophe de la blogosphère (Garance Doré pour ne pas la citer !) : “Faire les choses qui nous rendent souriant nous mène toujours quelque part” !
Un trés bon article, bien construit et trés instructif!
Je ne travaille pas en entreprise mais en tant que thérapeute je me dis qu’il y a certainement fort à faire pour humaniser les rapports et rendre plus heureux les gens qui y sont quotidiennement.
Tu me livres là des axes de réflexions fort intéressants :))
SL, ravie que tu y trouves là des axes de réflexion, j’espère qu’en s’y mettant un peu tous on réussira à aller dans ce sens !
MAIS UN GRAND OUI ! quand tu dis :
“Et si on additionnait humanité et rentabilité plutôt que de les diviser ?”
Il est aujourd’hui primordiale d’allier son côté Nature et son côté Performant à son travail, car sinon c’est la Mort dans l’Âme que tu prendras le chemin de ton travail.
La société d’aujourd’hui fait que nous réagissons de façon très égoïste dans notre quotidien et donc aussi vis à vis de nos collègues, alors que la logique voudrait que nous travaillons en équipe dans un but commun.
« Les entreprises qui réussissent sont celles qui ont une âme »
« Si tu ne rentres pas en profondeur, tu n’iras pas loin en extérieur »
Et j’ai de nombreux exemples ou des entreprises qui “méprise” leur propre personnel, mais celle-là sont vouées pas à la faillite car selon elles “personne n’est irremplaçable”, mais à une dévalorisation du Contenu.
Je suis sur que chaque personne paie un jour ses erreurs, et je lance un appel aux gens qui on encore des Valeurs, et pour qui les mots JUSTICE, ÉQUITÉ et MÉRITE, ne sont pas des mots en vain utilisés que pour faire beau dans une conversation de couloir, ou dans une réunion.
JE suis tout à fait d’accord sur l’équilibre des masses, avec des différences d’âges et d’expériences dans les sociétés, car c’est là la richesse d’une entreprise. Le choix d’un recrutement ne doit ce faire pas que par un CV blindé, une bonne tête et de bonne recommandation!
En tout cas merci pour l’article, je ne manquerais pas de le partager avec bcp de personnes !!
Maxime tu as toujours un avis très éclairé sur la question, je suis sûre que le message sera entendu ! Et merci pour le partage 😉