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Proposition musicale pour lire cet article : Red & Black Light
Notre monde aujourd’hui est mouvant.
Vouloir se prémunir de l’incertitude est un combat perdu d’avance.
En intégrant cette incertitude dans notre façon de diriger et manager,
les potentialités d’adaptation et d’innovation sont énormes.
Et nous simplifions considérablement le monde qui nous entoure
en le comprenant de façon nettement plus intuitive !
– Nathalie Ayet
Pour clôturer ce mois de mars particulièrement virevoltant pour chacun, où il nous est plus que jamais demandé de cesser de nous accrocher aux vieux schémas, aux repères qui nous rassurent, pour ouvrir nos ailes sans savoir ce qui nous attend demain… j’ai eu envie d’inviter une personne qui m’est chère à nous parler de ce thème qui va devenir incontournable :
Comment intégrer l’inattendu à nos entreprises ?
Ce paramètre tellement fou qu’il nous perturbe, tellement fort qu’il peut être source de créativité et innovation foisonnante si on apprend à l’apprivoiser.
Je crois que le jour où j’ai radicalement changé de vie et de style de vie il y a 2 ans, sans savoir où je mettais les pieds mais avec une grande sérénité, est le jour où j’ai commencé à vraiment comprendre que l’inattendu est en fait un-attendu qui sommeille en nous depuis longtemps… et ne demande « qu’à » émerger.
Aujourd’hui j’avance, je crée et je réinvente mon entreprise chaque jour grâce à cet inattendu. J’apprends à faire corps avec le hasard, l’imprévu, les synchronicités, la sérendipité, éléments clés pour toujours me remettre en question et agrandir ma vision. Et comme c’est un sujet rarement vécu comme un cadeau, j’avais très envie d’en parler plus ouvertement ici.
Et puis Nathalie Ayet a publié une newsletter sur le sujet. Fondatrice du cabinet Mètis Développement, je l’ai accompagné en 2012 et depuis elle trace sa voie avec brio en accompagnant les entreprises à « travailler avec le coeur ». Elle est aujourd’hui ici pour nous aider à mieux comprendre l’inattendu… à l’accueillir, et à l’aimer.
Projecteur !
Sortir de l’illusion du contrôle
« Bonjour à tous ! Psychologue du travail et formatrice, mon métier consiste à accompagner des professionnels dans le franchissement d’une étape délicate dans leur vie, ou dans la vie de leur entreprise – dans le cas d’un turnover important, d’une ambiance de travail dégradée, de souffrance au travail…
Je suis intimement persuadée que la vie nous propose autre chose que la morosité et la complexité ambiantes dans le monde professionnel. C’est pour cela que j’aime partager sur mon travail : en février dernier, dans le cadre d’un partenariat avec l’Espace Malraux (scène nationale de spectacle de Chambéry en Savoie), L’IPAC m’a proposée d’intervenir lors d’une conférence dont le sujet était « L’art d’accueillir l’inattendu, ou comment passer du contrôle à la maitrise ».
C’est une partie de cette intervention que je souhaite partager avec vous dans cet article, car il est indispensable aujourd’hui de sortir de l’illusion de pouvoir ou devoir tout contrôler.
Les dimensions invisibles du travail
Ce qui me passionne dans mon métier, c’est la dimension invisible du fonctionnement humain. Dans le travail, cela concerne notamment tout ce que nous faisons, qui ne se voit pas, et qui a des conséquences sur la réussite des projets que nous menons, sur la qualité et l’utilité de notre travail, de notre relation aux autres.
C’est ce que nous mobilisons du point de vue de :
- notre esprit : les doutes, les questionnements, la recherche de solutions face à une difficulté
- notre corps : par les ressentis, mais aussi par les reflexes métiers que nous avons acquis par l’expérience
- notre cœur : ce qui nous caractérise, notre particularité, ce qui nous rend unique et si important – et qui donne, quand cela s’exprime, ce supplément d’âme comme le dirait Céline !
Ces dimensions masquées influencent nos choix, notre capacité à réussir, notre façon d’entrer en relation avec les autres, et au final nos possibilités d’épanouissement, et ce la plupart du temps sans que nous nous en rendions compte.
L’inattendu fait partie de la vie,
en cela il est incontournable
Dans le monde du travail, nous pensons devoir tout contrôler. Et quand quelque chose n’est pas sous contrôle, nous le considérons au mieux comme une erreur, au pire comme une faute.
Or, il y a toujours un écart entre la tâche demandée, et ce qui est possible de réaliser dans l’instant. Pourquoi ? Parce que nous faisons partie d’un système complexe et que notre contexte change en permanence.
Voici une illustration issue d’une étude que j’ai menée sur le respect des consignes au travail, ou plutôt leur non-respect, source de conflit entre salariés et manager – qui n’arrivent pas à le faire appliquer de façon harmonisée.
L’exemple illustre pourquoi un protocole de soin dans un établissement médico-social (en l’occurrence il s’agit de mettre de l’éosine sur une peau abîmée) est respecté ou n’est pas respecté par les professionnels en charge de ce soin.
Quand le protocole est respecté, il l’est parce que :
- le salarié est en accord avec lui
- le salarié pense que le protocole n’est pas pertinent mais il va l’appliquer quand même car ne se sent pas légitime pour le remettre en question – ce qui va impacter son sentiment de faire du bon travail et peut-être heurter ses valeurs
- le destinataire du soin le demande
Quand le protocole n’est pas respecté, il ne l’est pas parce que :
- le protocole a changé mais le salarié ne le sait pas
- le salarié estime de par sa connaissance et son expérience que c’est une erreur d’appliquer le protocole
- le salarié n’a pas le temps de le faire – ce qui questionne l’organisation du travail
- le salarié voudrait l’appliquer mais le destinataire du soin n’est pas en état de le recevoir ou bien le refuse
Ceci est source de conflits de valeur, de baisse de l’estime de soi et de désaccords profonds, souvent non exprimés, sur les façons de faire.
Des générations de dirigeants ou de managers s’épuisent à vouloir faire appliquer des règles ou des procédures inapplicables. C’est le cas aussi pour les entrepreneurs : des projets qui sur le papier devraient bien se passer et qui connaissent des écueils, des collaborations insatisfaisantes, etc.
Pourquoi ?
Vouloir contrôler et passer « en force »,
c’est passer à côté d’opportunités de progresser ou de réussir.
Une bonne gouvernance est une gouvernance
qui intègre l’incertitude dans son mode de fonctionnement.
C’est la seule façon d’être dans le monde « tel qu’il est ».
Le monde « tel qu’il est »
et le monde « tel qu’il devrait être »
Il est essentiel d’abord de comprendre qu’il y a deux sortes de monde : le monde « tel qu’il est », et le monde « tel qu’il devrait être ». Beaucoup d’entre nous vivent dans le deuxième, que chacun se construit au fur et à mesure de ses expériences, selon son éducation, sa culture, mais aussi influencé par la pensée collective.
Dans l’exemple avec le protocole, on voit bien que plusieurs mondes co-existent : chacun a une vision personnelle de ce qu’est un bon travail, selon sa formation, son style personnel, ses expériences.
Si ces mondes peuvent être intelligents et cohérents individuellement, ensemble ils ne fonctionnent pas de façon optimale et génèrent frustration, conflits, atteinte à la santé, et perte de performance.
Pour conserver ce monde « tel qu’il devrait être », nous passons notre énergie à tout contrôler, car l’inattendu nous effraie. Dans notre esprit, l’inattendu est forcément une mauvaise nouvelle, et en particulier dans le travail : ceci est révélateur de notre vision limitée du monde et de la vie.
Avec quelles lunettes choisissons-nous
de regarder la vie et l’entreprise ?
Écoutez les mots que vous employez. Vous entendrez peut-être face à une difficulté des phrases comme : « il y a toujours un problème », « on n’y peut rien » ou « c’est la vie », ou encore si on rapporte cela à l’entreprise : « c’est la vie d’une entreprise ».
Si on traduit ces mots au niveau de notre inconscient, cela signifie « De toute façon la vie est comme cela : pas fiable, traîtresse, pas bienveillante ». En ce qui concerne la vie professionnelle, cela signifie « Le travail c’est dur, on n’est pas là pour s’épanouir ».
Comprenez qu’il s’agit-là de notre perception. Nous pouvons décider de ne pas donner corps à cela. Nous voyons ce que nous décidons de voir. Ma vie a changé à partir du moment où je me suis laissée une chance de regarder la vie autrement.
Avant, je pensais que le travail était synonyme de labeur, et que si on ne « mouillait pas la chemise » notre travail ne valait rien. Aujourd’hui, j’ai compris que si travailler demande de l’implication, quand on y met du cœur, cet effort que nous fournissons nous énergise ! Et en plus on s’épanouit, l’estime de nous remonte, et nous sommes plus heureux !
Quel est le mécanisme à l’œuvre ?
Les opportunités qui fleurissent
ne sont pas le fruit du hasard
Une vision négative de la vie professionnelle nous ferme aux projets et nous tétanise. Avec une vision positive de la vie professionnelle, tout ce qui vous arrive est considéré comme une opportunité, en laquelle on a suffisamment confiance pour la saisir.
Ce sont nos pensées, qui se déclinent ensuite en actes, qui sont les graines de ce que nous allons récolter. A chaque fois que vous agissez, vous influencez le monde dans lequel vous évoluez, professionnellement et personnellement. Voilà comment la chance s’installe dans votre vie !
Vous pensez, de façon plus ou moins consciente, que la vie est dure ? Vous n’oserez pas concrétiser un projet qui vous tient à cœur. Dommage, c’est peut-être justement le métier qui pourrait vous épanouir et vous rendre heureux. Vous pensez vos clients sont malveillants ? Ils seront alors toujours ceux qui vous empêchent de réussir.
Vous ne solliciterez alors aucune aide, et vous passerez peut-être à côté d’une rencontre qui vous solutionnerait votre problème. Voilà comment on installe la malchance dans sa vie !
Il est donc indispensable, pour passer du contrôle à la maitrise, de revoir sa vision du monde et de la vie. Comment faire concrètement ? Voici deux clés :
- Choisissez un environnement positif. L’environnement nous influence. Ecoutez (trop) les informations le matin, et vous constaterez qu’une certaine colère vous envahira rapidement, un certain découragement aussi. A l’inverse entourez-vous de choses que vous trouvez belles, écoutez de la musique qui vous fait du bien, et faites le lien avec ce que vous ressentez, avec votre niveau d’optimisme ! Vous verrez c’est surprenant.
- Remontez le fil des évènements. Quand un événement négatif se produit, ou bien quand vous vous sentez frustré, agressé par une situation, remontez le fil des circonstances qui y ont conduit. Vous commencerez à faire émerger à quel moment vous avez vous-même contribué à cet événement, et que l’enfer ce n’est pas toujours les autres !
Ce qui est alors formidable avec cette compréhension, c’est que l’on comprend comment on peut influencer notre avenir.
Nous avons en nous
toutes les ressources
insoupçonnées
La deuxième prise de conscience, est que nous avons en nous les ressources pour faire faire face à cet imprévu. Et ces ressources ne peuvent s’exprimer que lorsque la situation survient.
Sont-ce les grands hommes qui font l’Histoire ou l’Histoire qui fait les grands hommes ? La réponse est que l’on ne peut pas savoir comment nous allons réagir à une situation sans y être confronté.
Mais ce qui est certain, c’est qu’il y a une solution car la créativité est dans la nature de l’homme. Notre monde aujourd’hui est mouvant. Vouloir se prémunir de l’incertitude est un combat perdu d’avance. En intégrant cette incertitude dans la façon de diriger et manager, les potentialités d’adaptation et d’innovation sont énormes.
Et nous simplifions considérablement le monde qui nous entoure en le comprenant de façon nettement plus intuitive ! Nous ne sommes plus alors en opposition avec les circonstances. Car c’est ça, le contrôle : s’opposer à ce qui nous arrive.
Voir en notre cœur
une véritable force
Imaginez maintenant quel serait votre comportement si vous étiez persuadés que la vie veut votre bien et que vous aurez les ressources pour faire face à l’inattendu ?
Il y a de fortes chances que vous oseriez plus exprimer ce que vous portez en vous. Que vous auriez plus d’audace pour voir plus grand, pour vous laisser inspirer par votre coeur dans vos choix à faire au quotidien.
Ecouter son cœur n’est pas faire un pari sur l’avenir. Notre société a tendance à ridiculiser ou amoindrir la force du cœur, de l’amour dans nos actes. Pourquoi ? Parce que nous sommes ignorants de comment tout cela fonctionne.
C’est pour cela que j’ai créé les rencontres Travailler avec le cœur, pour apporter des connaissances indispensables et sortir des illusions que nous acceptons dans notre vie et qui nous enferment.
Écouter son cœur ne veut pas dire abandonner toute logique, au contraire. Pour rendre réel, agir, la logique est indispensable. Mais ce qui vient de notre cœur est un moteur puissant, un guide pertinent qui nous indique ce qui est bon pour nous.
Changer de façon de fonctionner, que l’on soit dirigeant, entrepreneur, manager, salarié, implique courage et persévérance. Mais quel est le risque ? Celui d’être heureux. Car nous ne sommes jamais autant heureux que quand nous exprimons et partageons ce que nous portons de plus beau en nous… C’est en cela que des approches nouvelles comme celles du Luxe d’être soi sont essentielles.
Aujourd’hui plus que jamais, il est possible d’allier
épanouissement personnel et réussite professionnelle.
De conjuguer réalisation de soi et impact sociétal.
Ce qu’on opposait avant… est désormais intimement lié.”
…
Je remercie Nathalie pour ses propos éclairants et espère qu’ils vous ont permis d’intégrer de nouvelles données pour le développement et la gestion de votre entreprise.
Pour conclure, je voudrais vous partager une question que je me pose à chaque fois que quelque chose ne se passe pas « comme prévu » – c’est-à-dire très souvent : « Tiens, qu’est-ce qui m’attend de mieux derrière ça ? ».
Au début, j’avoue que c’est très déstabilisant parce que ça démonte bien l’égo. Et puis, ça devient progressivement une gymnastique automatique. Et alors oui : il y a toujours quelque chose de mieux qui arrive après. Partant du principe quantique que chacun peut (re)créer sa réalité en fonction de l’observation qu’il en fait, nos ressources sont en fait… infinies.
Bienvenue dans votre version illimitée !
4 réponses
Bonjour,
En surfant sur la grande bibliothèque du net, je viens de découvrir un joyau; votre blog.
C’est une belle journée qui commence. Après avoir lu 2 articles, je me suis arrêté sur celui-ci.
Pourquoi ? peur-être parle-t-il au moi que je combats depuis un an et demi… Cet approche de la vie dans votre article respire la modernité et conforte celui que je suis à poursuivre dans ma reconstruction.
J’aime votre travail et votre écriture,
Merci
Bonjour Yannick et merci pour votre chaleureux commentaire. Je vous souhaite la bienvenue et le meilleur pour poursuivre votre route. Bien à vous.
Bonjour
Le sujet de votre article correspond à une question ancrée en moi: comment prendre en compte l’inattendu, que ce soit au travail ou autrement: famille, projet, amis…
remonter le fil d’un événement négatif est un outil extrêmement puissant pour comprendre les forces sous-jacentes à l’émergence de cet événement: je partage complètement ce point de vue.
Néanmoins, cela reste difficile de regarder un évenement sous un autre angle que celui qui est blessant ou négatif. C’est une gymnastique mentale à mettre en place. Il faudrait apprendre cela dans les écoles, au même titre que le sport ou la respiration abdominale.
Un article comme ça, c’est une découverte! Merci Céline et Nathalie
Bonjour Christine, merci pour votre commentaire. Oui c’est une gymnastique, plus au niveau du coeur que mentale. Rester ouvert face à l’adversité, se protéger tout en accueillant la blessure ou l’épreuve qui nous traverse, c’est l’énorme challenge de notre époque et chaque individu qui souhaite avancer plus en conscience. Step by step. Bien à Vous.